LATIN DICTIONNAIRE - Dictionnaire des auteurs latins et chiffres - Anicius Manlius Severinus Boethius
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Anicius Manlius Severinus Boethius
(✶470   †524)

Anicius Manlius Severinus Boethius, communément appelé Boèce /bo.ɛs/, né vers 470 à Rome, mis à mort en 524 à Pavie par Théodoric le Grand, est un philosophe et un homme politique latin. Il est l'auteur de la réputée Consolation de Philosophie, une œuvre néoplatonicienne dans laquelle la poursuite de la sagesse et l'amour de Dieu sont décrits comme les véritables sources du bonheur. Il est le contemporain de Cassiodore et de Clovis Ier et un témoin des derniers feux de l'Empire romain. Il fut le transmetteur de la logique aristotélicienne en Occident et une source fondamentale de la philosophie médiévale.

Boèce naît à Rome en 470 ou 475. Il appartient à la gens Anicii, chrétienne depuis environ un siècle, et dont est issu l'empereur Olybrius. Son père, Flavius Manlius Boetius, est nommé consul en 487 et meurt peu après. Boèce est ensuite élevé par Quintus Aurelius Symmaque dont il épouse la fille, Rusticiana. Il passe son enfance à Rome pendant le règne d'Odoacre, et reçoit une bonne éducation, notamment en grec. Il devient un ami intime de Théodoric le Grand, roi des Ostrogoths, et est nommé consul en 510.

Ses travaux sont consacrés à traduire en latin les œuvres complètes d'Aristote avec commentaire, ainsi que celles de Platon, puis d'effectuer une «restauration de leurs idées en une unique harmonie.» Mais il n'a le temps d'effectuer qu'une petite partie de ce programme: il traduisit ainsi l’Organon d'Aristote accompagné de gloses grecques, ainsi que l’Isagogè de Porphyre de Tyr, une introduction à la logique aristotélicienne, rédigeant chaque fois un double commentaire sur le modèle de ceux des écoles d'Alexandrie et d'Athènes,. Boèce compose également de nombreuses œuvres de logique, notamment un traité De divisione (c.515-520), une Introductioad syllogismos cathegoricos (523), un traité De differentiis topicis (523), un autre traité De hypotheticis syllogismis, et un commentaire in Topica Ciceronis soulignant les différences entre les Topiques de Cicéron et ceux d'Aristote.

Il met ensuite en pratique son étude de la logique dans quatre opuscules sur la Trinité et la nature du Christ, et contre Nestorius et Eutychès. En utilisant la terminologie des catégories d'Aristote, il décrit l'unité de Dieu en termes de substance, et les trois personnes divines en termes de relation. Il cherche également à donner une définition orthodoxe du Christ en déployant les notions précises de «substance», de «nature» et de «personne.»

En 520, Boèce devient magister officiorum sous le règne de Théodoric. Ses deux fils sont nommés consuls en 522. Mais sa bonne fortune ne dure pas. À la suite d'un schisme avorté entre Rome et l'église de Constantinople, Boèce et plusieurs sénateurs sont suspectés de communiquer avec l'empereur byzantin Justin. Ce dernier est orthodoxe, tandis que Théodoric est arien. Boèce défend ouvertement le sénateur Albinus, et par la suite est accusé d'avoir écrit à l'empereur Justin contre le règne de Théodoric. Cette charge, aggravée par une accusation de magie, le conduit à la prison de Pavie. C'est pendant cette période d'isolement qu'il écrit la Consolation de Philosophie. Ses biens sont confisqués, et après une longue période de détention, il est finalement mis à mort en 524.

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Saint et martyr

Quelques siècles après sa mort, Boèce est considéré comme un saint et un martyr. Son ouvrage sur la Trinité montre sa lutte active contre l'arianisme de Théodoric. Bien que reconnu traditionnellement comme un saint, le philosophe romain ne fut pas canonisé. En 996, l'empereur Othon III ordonne le placement de sa dépouille dans la crypte de la basilique San Pietro in Ciel d'Oro à Pavie. Gerbert d'Aurillac inscrit sur son tombeau une épitaphe dans laquelle il vante les talents, les vertus civiques et le patriotisme de l'illustre Romain. En 1861, Boèce est encore célébré à Pavie, à Milan, et à Brescia, le 23 octobre, jour de la fête de Saint-Sévérin.

Postérité

Boèce fut l'écrivain, le poète et le philosophe le plus distingué de son temps. "Il a joué un rôle décisif dans la transmission de l'héritage de la philosophie antique à l'Occident médiéval et moderne". Par ses traductions en latin, "il a créé une langue philosophique latine, technique et précise" et "initié le Moyen Age à l'exégèse savante des œuvres d'Aristote".

Il fut surnommé l'« instituteur » de l'Occident latin et le « premier des scolastiques. » Ses écrits ont inspiré Alcuin, Jean Scot Érigène, les écoles d'Auxerre et de Reims au IXesiècle, les commentateurs de l'école de Chartres au XIIesiècle, et Thomas d'Aquin au XIIIesiècle. Aussi Dante Alighieri dans le Convivio: «Boèce et Cicéron m'initièrent dans l'amour, c'est-à-dire dans l'étude, de cette très-noble Dame, la Philosophie.» Et dans la Divine Comédie:

« En elle se réjouit de la vue du souverain bien, l'âme sainte qui montre à nu le monde trompeur à celui qui veut bien la consulter. Le corps d'où elle fut chassée repose à Cieldauro, et elle du martyre et de l'exil est venue vers cette paix céleste. »

—Dante Alighieri, Divine Comédie, Paradis, X, 124 et s., traduction d'Auguste Brizeux, 1843.

Le célèbre philosophe Pierre Abélard considère Boèce comme le philosophe romain le plus important et écrivit un commentaire sur le De differentiis topicis. Au XIIIesiècle, les Topiques de Pierre d'Espagne proviennent du De differentiis topicis. Au cours du même siècle dans l'Empire byzantin, Manuel Holobolos fournit une traduction annotée en grec du même traité. Au XIVesiècle, les écrits logiques de Boèce sont cités par Guillaume d'Ockham et chez Albert de Saxe leur influence est clairement visible. Au XVesiècle, le philosophe Laurent Valla décrit Boèce comme le dernier des Romains et le premier des scolastiques.

Quand Cassiodore fonde le monastère de Vivarium en Campanie, il y installe également sa bibliothèque romaine, comprenant les œuvres de Boèce sur les arts libéraux. Il compose une liste de lecture, les Institutions, pour l'éducation des moines. Ainsi la littérature aristocratique romaine entre dans la tradition monastique. La logique de Boèce domine l'instruction du clergé médiéval et l'étude des tribunaux et des cloîtres. Ses traductions et ses commentaires, notamment des Catégories d'Aristote et du traité De l'interprétation deviennent des textes fondamentaux de la scolastique médiévale. Les premiers scolastiques possèdent grâce à Boèce un manuel complet de logique exposant toute la doctrine d'Aristote en langue latine. Un passage de son commentaire sur Porphyre de Tyr est à l'origine de la querelle des universaux. Boèce forgea le terme de «quadrivium», ou quadruple voie vers la connaissance, comprenant l'arithmétique, la géométrie, la musique et l'astronomie. Ce terme routier d'origine romaine trouve son analogue dans le «trivium», comprenant la grammaire, la dialectique et la rhétorique.

D'après Alain de Libera, Boèce fut un adversaire des idées proféssées par Nestorius et Eutychès. Il fut un partisan de «l'orthodoxie religieuse» et «rédigea un ensemble de traités de théologie catholique, qui ont profondément imprégné l'ensemble de la pensée médiévale.»

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Œuvres principales de Boèce


  • La Consolation de Philosophie (524): le livre le plus personnel, le couronnement de l'entreprise intellectuelle de Boèce. La philosophie, personnifiée par une femme, convertit le prisonnier Boèce à la notion platonicienne du souverain Bien. Cet ouvrage, alternant la prose et la poésie, fut le livre le plus lu à l'époque médiévale après la Bible, et permit la transmission des doctrines platoniciennes en langue latine. Il fut traduit en vieil anglais par Alfred le Grand au IXesiècle, en vieux haut-allemand par Notker l'Allemand au XIesiècle, en ancien français par Jean de Meung au XIIIesiècle, et en moyen anglais par Geoffrey Chaucer au XIVesiècle,. Traduit par Jean-Yves Guillaumin, Paris, Les Belles Lettres, 2002. Traduit par E. Vanpeteghem et J.-Y. Tilliette, Livre de Poche, Lettres Gothiques, 2008. [lire en ligne]

  • Traités théologiques (512-523): comprend De Fide Catholica, Contra Eutychen et Nestorium, De Hebdomadibus, Utrum Pater, et De Trinitate. Traduit par Hélène Merle, «Sagesses Chrétiennes», Éditions du Cerf, 1991. Traduit par Axel Tisserand, Garnier-Flammarion, 1999. [lire en ligne]

  • L’Institution arithmétique: dans ce livre Boèce reprend l'Introduction à l'arithmétique de Nicomaque de Gérase, sous forme de paraphrase libre plutôt que de traduction rigoureuse. Le grand nombre de manuscrits témoigne de l'importance de ce livre dans l'enseignement du Moyen Âge et de la Renaissance. Traduit par Jean-Yves Guillaumin, Les Belles Lettres, 1995.

  • L’Institution musicale (510): un des premiers ouvrages de musique imprimés à Venise à la fin du XVesiècle. Il permit aux érudits médiévaux du IXesiècle de comprendre la musique grecque. Dans ce livre, Boèce introduit la classification tripartite de la musique: la musica mundana, ou musique des sphères et du monde, la musica humana, ou harmonie du corps humain et de l'esprit, la musica instrumentalis, ou musique instrumentale. L'écrivain Guido d'Arezzo souligne toutefois que le livre de Boèce, à cause de son caractère spéculatif, «n'est pas profitable aux chanteurs, mais seulement aux philosophes.» Deux ouvrages de Boèce sur les arts libéraux, une traduction d'Euclide sur la géométrie, et de Ptolémée sur l'astronomie, ont été perdus,,. Traduction française: Traité de la musique, traduit par Christian Meyer, Brepols, 2005.

Bibliographie


  • Pierre Courcelle:
    • La Consolation de Philosophie dans la tradition littéraire: Antécédents et postérité de Boèce, Paris, 1967;
    • Les Lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, Paris, de Boccard, 1948.

  • Pierre Hadot, Boèce, in Encyclopaedia universalis, 1984.
  • John Marenbon, Le Temps, l'Éternité et la Prescience de Boèce à Thomas d'Aquin, Vrin, 2005.
  • Bernard Quilliet, La Tradition humaniste, Fayard, 2002 (ISBN2-213-61243-9).
  • Axel Tisserand, Pars theologica: Logique et théologique chez Boèce, Paris, Vrin, 2009.
  • (de) Menso Folkerts, "Boethius". Geometrie II. Ein Mathematisches Lehrbuch des Mittelalters, Weisbaden, 1970.
  • (en) John Marenbon, Boethius, Oxford University Press, 2003, coll. «Great Medieval Thinkers», XVI-252 pages (ISBN0-19-513407-9).

Source: Wikipédia, L'encyclopédie libre

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