LATIN DICTIONNAIRE - Dictionnaire des auteurs latins et chiffres - Suétone
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Suétone
(✶70 A.D   †122 A.D)

Suétone (en latin Caius Suetonius Tranquillus) est un polygraphe et un érudit romain ayant vécu entre le Ier et le IIesiècle. Il est principalement connu pour sa Vie des douze Césars, qui comprend les biographies de Jules César à Domitien.

Nous savons très peu de choses de la vie de Suétone. Deux ou trois passages de ses ouvrages, quelques Lettres de Pline le Jeune, une mention du pseudo-Spartien dans la Vie d'Hadrien, une phrase de Jean le Lydien, sont les seuls éléments, dans la tradition littéraire, qui nous permettent de reconstituer sa biographie. À cela, il faut ajouter une inscription trouvée à Bône, aujourd'hui Annaba, l'antique Hippone (Hippo Regius), découverte au milieu du XXesiècle,.

Suétone naît probablement à Rome vers 69-70 ap.J.-C., d'une famille appartenant à l'ordre équestre. Son père, Suetonius Laetus, était tribun angusticlave de la treizième légion et combattit dans l'armée d'Othon à la bataille de Bedriac en 69 ap.J.-C., où Vitellius triompha.

Une des lettres de son ami et protecteur Pline le Jeune nous présente Suétone, alors âgé d'environ 28 ans, se disposant à plaider comme avocat; une autre, écrite vers 101, nous montre Suétone briguant pour un ami un poste de tribun militaire qu'il a lui-même exercé, condition nécessaire pour pouvoir prétendre à la carrière équestre. Il semble cependant que Suétone réussit à se faire dispenser du service militaire. Par ailleurs, son ami Pline le Jeune lui fit obtenir de l'empereur Trajan en 112 le privilège accordé aux pères de trois enfants, bien qu'il n'en eût aucun.

À la mort de Pline le Jeune, en 113, Suétone s'attache à un nouveau protecteur, Caius Septicius Clarus, qui lui obtient sous Hadrien l'importante fonction de secrétaire ab epistulis latinis (c'est-à-dire responsable de la correspondance de l'empereur en langue latine). Cette charge permit notamment à Suétone d'avoir accès aux archives impériales. Il rédige alors son premier livre, le De viris illustribus (paru vers 113). Entre 119 et 122, paraît la Vie des douze Césars, point culminant de sa carrière.

L'inscription d'Hippone montre que Suétone, avant de devenir ab epistulis, avait occupé deux autres procuratèles ducénaires (c'est-à-dire gratifiées d'un salaire annuel de 200000 sesterces) dans l'administration centrale de l'empire: il avait été a studiis (responsable des archives et de la documentation) et a bibliothecis (responsable des bibliothèques de Rome).

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Un passage du pseudo-Spartien nous apprend que Suétone, malgré les relations amicales qu'il avait toujours entretenues avec Hadrien, encourut en 121-122 une disgrâce brutale et définitive en même temps que son protecteur le préfet du prétoire Caius Septicius Clarus. Selon Spartien, cette disgrâce serait due à un manquement à l'étiquette de la cour vis-à-vis de l'impératrice Sabine. Toujours est-il que nous ne savons plus rien de Suétone après cette date; sans doute a-t-il vécu dès lors dans la retraite, en se consacrant tout entier à ses travaux de grammaire, de littérature et d'histoire. C'est dans cette retraite que le poète José-Maria de Heredia, dans le sonnet des Trophées intitulé Tranquillus, montre Suétone méditant sur Néron, Claude, Caligula, et décrivant«les noirs loisirs du vieillard de Caprée». Il meurt après 122, sans que l'on sache l'année, vraisemblablement autour de 130, mais peut-être jusqu'à 160.

Il est à sa manière un historien, même s'il n'affirme aucune ambition morale, mais dans sa volonté de procéder à l'inventaire le plus complet de tout ce qui touche à l'empereur, de ses vertus comme de ses vices, il procède à une certaine démystification des Césars.

Œuvre

Suétone fut un auteur très fécond, si l'on en croit la longue liste d'ouvrages que la Souda et certains auteurs lui attribuent. C'était un érudit qui a écrit sur les sujets les plus divers, un polygraphe animé d'une incroyable curiosité, qui possédait un savoir encyclopédique à la manière de Varron.

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Œuvres perdues

Ces ouvrages ne sont connus que par leurs titres ou par quelques citations fragmentaires. Ils portent sur les sujets suivants:

  • les courtisanes célèbres
  • les défauts corporels.
  • une défense du De Republica de Cicéron, face aux critiques du grammairien Didyme d'Alexandrie.
  • les signes d'abréviation employés par les grammairiens pour leurs annotations des textes étudiés.
  • les jeux d'enfants chez les Grecs,.
  • les mots injurieux.
  • les rois: De regibus.
  • Une encyclopédie d'histoire naturelle: Prata (Les Prairies).
  • les costumes des Grecs et des Romains, dont il reste cinq fragments.
  • les charges officielles dans l'administration romaine
  • l'armée romaine
  • l'année romaine, que nous ne connaissons que parce que Macrobe s'en inspire dans les Saturnales (en I, 12-14).
  • Un traité en deux livres sur les usages et les mœurs des Romains, dont il ne reste qu'un fragment.
  • Deux livres sur les jeux publics des Romains. Aulu-Gelle mentionne cet ouvrage sous le titre de Ludicra historia, et Tertullien s'en est inspiré pour son De spectaculis.

Ces quatre derniers ouvrages formaient probablement un tout encyclopédique intitulé Rome.

  • un ouvrage fourre-tout, titré De rebus variis (sur des sujets divers)

Œuvres conservées

Des hommes illustres (De viris illustribus)

Cet ouvrage est consacré aux gloires de la littérature latine. Il est divisé en cinq parties :

  • Les poètes depuis Livius Andronicus
  • Les orateurs depuis Cicéron
  • Les historiens depuis Salluste
  • Les philosophes
  • Sur les grammairiens et les rhéteurs (De grammaticis et rhetoribus).

Parmi les poètes, on n'a conservé que ses Vies de Térence, de Virgile, d'Horace et de Lucain, transcrites sur certains manuscrits des œuvres de ces auteurs. Les Vies de Tibulle et de Perse sont peut-être également de sa main.

Seule nous est restée la majeure partie de la dernière division sur les grammairiens et les rhéteurs, dont nous avons perdu la fin. L'introduction est un rappel historique sur Cratès de Mallos, ambassadeur de Pergame en 168 av.J.-C., qui donna les premières conférences sur la matière durant son séjour à Rome. Suivent les notices biographiques d'Aelius Stilo, de son gendre Servius Clodius et de 19 autres grammairiens, jusqu'à Valérius Probus, contemporain de Néron. Suétone donne des renseignements biographiques sur ces professeurs, mais il est muet sur leurs théories et leurs enseignements grammaticaux proprement dits.

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La Vie des douze Césars (De vita duodecim Caesarum libri)

En tant que secrétaire d'Hadrien, Suétone avait accès aux archives impériales, ce qui lui permettait de consulter les sources contemporaines telles que les procès-verbaux des séances du Sénat, les senatus-consultes, des lettres et des testaments d'empereurs. La part des archives dans l'œuvre de Suétone est néanmoins discutée, et jugée moins importante par Andrew Wallace-Hadrill(en) et par Luc de Coninck. Cependant, Suétone porte peu d'intérêt à l'histoire et à l'administration de l'Empire; il ne s'intéresse qu'aux actes et à la personnalité des premiers Césars, et plus particulièrement à leurs vices et à leurs travers, ce qui a valu à Suétone, selon le jugement d'Alexis Pierron, la réputation de colporteur d'histoires d'antichambre, de rumeurs dont l'authenticité est souvent douteuse. Selon une formule fameuse d'Alexis Pierron, Suétone avait écouté aux portes et souvent mal entendu ce que l'on disait. Néanmoins, sa Vie des douze Césars présente un grand intérêt pour l'historien de l'Antiquité, car elle nous donne sur le premier siècle de l'empire des renseignements précieux, qui ne se rencontrent point ailleurs.

Style et démarche

Le style de Suétone est froid et sans grand ornement. Son étoile littéraire pâtit surtout de la comparaison avec celle de son contemporain Tacite, l'auteur des Histoires et des Annales, considéré comme le plus grand historien latin. La prose de Suétone est celle d'un compilateur, qui ne manifeste de l'émotion qu'avec circonspection. Il ne possède ni l'intelligence politique ni la pénétration de Tacite, dont l'œuvre est teintée du pessimisme qu'il conçoit devant la décadence des mœurs politiques romaines, qu'il attribue à l'avènement du pouvoir impérial absolu à partir d'Auguste. Mais la critique reconnaît généralement la vivacité des portraits de Suétone, rédigés dans une prose simple et précise, visant avant tout à l'efficacité, et dépourvue de la phraséologie archaïque et précieuse qui encombre la littérature contemporaine.

Suétone suit un plan immuable : il évoque d'abord la famille de l'empereur et ses ancêtres illustres, sa naissance et les présages qui annoncent sa destination à l'empire, ses jeunes années, puis sa carrière publique. Son règne est rapporté par thèmes modulés selon les personnages et sans souci de chronologie: ses campagnes militaires, ses constructions, son action judiciaire, ses crimes politiques, sa fin et à nouveau les présages qui l'annoncent. Suétone conclut par son physique et sa vie privée. Le récit est relevé par des détails et des anecdotes, parfois triviales, et quelque peu exagérées sinon inventées. Ce plan devient un modèle pour un genre historique différent des annales, les Vies d'empereurs et de princes.

La fortune historique de Suétone est considérable : les vies des empereurs et des usurpateurs de l'Histoire Auguste s'inspirent de ce canevas; au Moyen Âge, Eginhard s'en inspire pour écrire l'histoire de Charlemagne et de ses héritiers; ses ouvrages sont ensuite réédités pendant la Renaissance, dès la naissance de l'imprimerie. Cependant, les récits des historiens romains postérieurs au règne de Néron, tels Suétone, Dion Cassius et Tacite, soulèvent une multitude d'interrogations sur la fiabilité de ces témoignages de«seconde main».

Œuvres publiées


  • Suétone, traduction française de Baudement, 1845, Paris, lire en ligne
    • Vie des douze Césars,
    • Vies de Terence, du poète Horace, de Lucain, de Pline, de Juvenal, de Perse
    • Rhéteurs illustres,
    • Grammairiens illustres.

  • (fr+la) Grammairiens et rhéteurs, traduction de Marie-Claude Vacher, Les Belles Lettres, 1993, (ISBN2-251-01368-7).

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Bibliographie


  • Introduction d'Henri Ailloud dans La Vie des douze Césars de Suétone, Paris, Les Belles Lettres, 1re éd. 1931, coll. des Universités de France
  • (en) Barry Baldwin(en), Suetonius, Amsterdam, A. M. Hakkert, 1983
  • Eugen Cizek, Structures et idéologie dans la Vie des douze Césars de Suétone, Bucarest/Paris, Editura Academiei/Les Belles Lettres, 1977
  • Marc Baratin,«Le De Grammaticis et Rhetoribus de Suétone: un texte polémique?», Histoire Épistémologie Langage,‎ 1998 , p.81-90 (lire en ligne)
  • Eugen Cizek,«A propos de quelques Vies des Césars de Suétone», Vita Latina, no132,‎ 1993 , p.27-32 (lire en ligne)
  • (it) Francesco Della Corte(it), Suetonio eques Romanus, Florence, La Nuova Italia, 2e éd. 1967 (1re éd. Milan, Istituto editoriale cisalpino, 1958)
  • Jacques Gascou, Suétone historien, Rome, École française de Rome, 1984
  • (en) Richard C. Lounsbury, The Arts of Suetonius: an Introduction, New York, P. Lang, 1987
  • Alcide Macé, Essai sur Suétone, Paris, A. Fontemoing, 1900
  • (de) Bohumila Mouchova, Studie zu Kaiserbiographien Suetons, Praha, Universita Karlova, 1968
  • P. Sage, Quelques aspects de l'expression narrative dans les XII Césars de Suétone, In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 57 fasc. 1, 1979, Antiquité - Oudheid, p.18–50, consultable sur Persée
  • (de) Wolfgang Steidle, Sueton und die antike Biographie, Munich, Beck, 1re éd. 1951; 2e éd. 1963
  • Roger Vailland, Les pages immortelles de Suétone, Buchet-Chastel, 1962; réédité aux Éditions du Rocher, Monaco, 2002
  • (en) Andrew Wallace-Hadrill(en), Suetonius: the Scholar and his Caesars, Londres, Duckworth, 1983
  • Dictionnaires:
    • Leclant, Jean (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité, Paris, PUF, 2008.
    • Margaret C. Howatson, (dir.), Dictionnaire de l'Antiquité: Mythologie, Littérature, Civilisation, Paris, Robert Laffont, 1993.

Source: Wikipédia, L'encyclopédie libre

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